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vendredi 15 octobre 2010

BBQ, BTU, Banlieusards et autres B

En 2006, j'ai eu quelques temps un blog d'écriture.  J'ai gardé les textes que j'y avais écrit.  Aujourd'hui, j'ai décidé d'en dépoussiérer un : BBQ, BTU, Banlieusards et autres B.  Ce texte avait été lu dans le cadre de l'émission de radio Mal de Blog sur CISM 83,8 FM. 

Je remonte donc dans le temps....

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LUNDI, FÉVRIER 27, 2006




BBQ, BTU, Banlieusards et autres B
Je me rappelle d'une phrase que j'ai entendu à maintes reprises quand j'étais petite : *mon père est plus fort que le tien*. Phrase banale au premier coup d'oeil mais qui a Ô combien de répercussion dans la vie d'un enfant fragile et naïf. Aux parents qui entendront cette phrase, soyez vigilents car dans ces quelques mots qui ne sont pas dépourvus de sens, se cache tout un pan de l'éducation du tout-petit. C'est dans sa vie adulte que tout pourrait se gâcher si vous n'intervenez pas maintenant. Dans cette phrase-choc se cache le concept de comparaison qui permet à l'interprète de se gonfler le torse et de rabaisser son prochain. Concept dangereux si mal exploité.


La bataille des BTU


Le BTU ou British Termal Unit est l'unité calorifique du système de mesure anglais que nous pouvons associer ici aux climatiseurs ou aux BBQ (charcoals). Tout bon banlieusard qui se respecte et qui est digne de porter ce titre doit en posséder un et je ne fais pas exception à la règle. Car le BBQ, disons-le, est le second item qu'un 450 doit posséder, le premier étant un trou d'eau ou si vous préférez, une piscine ou un SPA. Donc, c'est par une belle journée chaude et ensoleillée d'été que mon histoire a débuté. Je m'installe tranquillement sur mon patio toute prête à me concocter à l'aide de cet imposant Roi du deck, de succulentes grillades marinées à l'ancienne. À peine les effluves peu subtiles de mon BBQ commencent à envahir l'air du quartier que vient s'accouder à la clôture mitoyenne mon TROP sympathique voisin Roger (nom fictif). Ce dernier me demande alors : *hey la belle voisine, est' pas mal belle ta nouvelle bébelle, est' combien de BTU?*. Sans trop lui porter attention je lui réponds que ma *bébelle* lâche 45000 BTU à puissance maximale. S'en suit la question qui tue : *Ça t'a coûté combien c't'affaire-là?*. J'insiste alors sur le fait que ça m'a coûté 230$ taxes incluses et que la housse venait avec. Roger m'affirme tout en quittant son poste d'observation que j'avais fait une bonne affaire. Je me suis alors dit à moi-même qu'une chance qu'il y avait mon voisin qui était soucieux du bien-être de mon porte-monnaie sinon je serais acculée à la faillite, non mais, une chance que je l'ai celui-là! Ce n'est que quelques jours plus tard que j'ai pu constater que cette brève discussion n'avait pas eu pour but de garder en santé mes finances, mais plutôt de faire surgir de l'esprit machiavélique de mon terroriste de banlieu un plan qui tient lieu trop fréquemment dans le 450. La journée était belle, les woizo faisaient cui-cui puis l'autre voisin, pas mal cute lui, lavait sa voiture torse-nu dans son drive-way. Moi je me faisais bronzer sur le patio, sur le dos, avec une revue à laquelle je n'accordais pas vraiment toute l'attention digne d'une feuille de chou annonçant cosmétiques et parfums trop chers (la faute au voisin se faisant aller le chamois sur sa belle Roadster...mais bon, ça c'est une autre histoire). Non, mon attention a été soudain attirée sur Roger et la grosse boîte king-size qui émergeait de l'arrière de son ÉNORME pick-up. Ça n'a pas pris trop de temps avant que je devine ce qui se cachait sous le gigantesque carton : un BBQ format TITANIC en stainless steel. Ni une ni deux que mon chummy Roger s'élance vers moi pour me confirmer le contenu de la dite boîte : et oui, un charcoal version OGM mixé avec des stéroïdes qui en plus *vient avec le kit de spatules, un frigo intégré et le non-moins utile tablier ou est inscrit en gros vert pomme sur fond vert forêt *C-H-E-F*. Roger n'oublie pas de me mentionner qu'il a payé au dessus de 1000$ plus taxes pour tout ça. WOW, dans un élan d'ironie je lui réponds qu'il a fait *une bonne affaire* (surtout pour le tablier ton sur ton qui va adonner super bien avec la Labatt 50 qu'il a quasi-toujours entre bouche et main ainsi que le vert de sa parfaite pelouse). La cerise sur le sundea est venue quand il a clos le sujet en m'affirmant que ce mastodonte du BTU crachait un gros 80000 BTU à pleine capacité. Oh le chanceux, ses boulettes à hamburger vont cuire 2 fois plus vite que les miennes, vite faut que j'appelle le journal de quartier pour leur faire part de ce scoop!!!!! Ah ce Roger...


Car mon voisin est pareil sur toute la ligne : plus grosse maison, plus gros pick up, plus verte pelouse, piscine la plus creuse dans son plus creux, cabot le plus cher et *qui fait de la compétition canine*, enfants qui vont au privé *scusez pardon*, plus gros bijoux avec le plus de karats, et cétéra....et bla bla bla....


Roger est le banlieusard typique qui se définit avec le matériel en se comparant aux autres personnes qui l'entourent. Quand il était tout-petit, fiston Roger disait à qui mieux-mieux *mon père est plus fort que le tien*. Depuis qu'il est gosse que Roger se qualifie en se comparant aux autres.
Roger ne sera jamais complètement heureux.
Apprendre à être heureux, car oui, on peut apprendre à devenir une personne heureuse et comblée, commence lorsque la personne change de barème de comparaison. Le point de comparaison de mon charmant voisin arborant une moustache à la Tom Selleck est sans hésitation ceux qui l'entourent ainsi que leurs possessions. Le jour ou ce dernier apprendra à se comparer à lui-même au lieu des autres, ce jour-là, il pourra dire qu'il a fait un grand bout de chemin.


Roger devrait utiliser le temporel pour se valoriser : prenons par exemple ce qui a pu se passer dans sa vie depuis les 5 dernières années. Roger a eu un 3e enfant avec sa tendre moitié Francine (nom fictif), il a arrêté de fumer, il a démarré sa propre entreprise. Tout autant de points comparatifs face à lui-même, dont Roger devrait être fier mais jamais il ne nous en souffle mot. Roger a évolué sur le plan social et sur le plan humain en 5 ans, mais il n'en tient pas compte dans sa définition du bonheur.


Dernièrement, j'ai entendu Joël (nom fictif) 7 ans, le plus vieux des 3 enfants de Roger et Francine, dire à un autre petit voisin lors d'une dispute à propos de je-ne-sais-quoi : *mon père est plus fort que le tien*....

Cappucine

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